Et si je vous disais que derrière chaque nom de ville à l’île Maurice se cache une anecdote, un personnage, un objet ou tout simplement d’une inspiration de la nature ? Vous l’aurez compris : l’origine des noms des villes de Maurice est un mélange surprenant d’héritage français, d’influences britanniques et de paysages qui parlent d’eux-mêmes. De Port-Louis à Rivière Noire, en passant par des lieux comme Mahébourg ou Albion, cet article vous dévoile les secrets de la toponymie mauricienne, entre colonisation, géographie et mémoire collective.
L’héritage français dans la toponymie mauricienne
Alors que la Réunion portait le nom de France, l’île Maurice devenue « Isle de France » de 1715 à 1810 garde des traces indélébiles de cette période. Derrière chaque nom de ville, un héritage colonial : Port-Louis, Mahébourg ou encore Rivière Noire portent des noms français ancrés dans la mémoire collective. Vous l’aurez compris, cette empreinte n’est pas anodine, elle raconte des siècles d’histoire et de coexistence culturelle.
Port-Louis, capitale emblématique, tire son nom du roi Louis XV en 1735, date clé de son développement sous la France. À cette époque, l’île comptait 838 habitants, majoritairement des colons et des esclaves. Ce nom reste aujourd’hui un symbole fort, mêlant géographie (le port) et politique (le souverain). C’est comme ça : même après la colonisation britannique, ce nom persiste, témoin d’une époque révolue.
Devenue « Isle de France » en 1715, l’île a gravé sa relation avec la métropole dans ses toponymes. Cette dénomination, en place jusqu’en 1810, a façonné l’identité des lieux, de Rose-Hill à Grand-Baie. Les noms français, bien que parfois adaptés, dominent encore la carte de Maurice.
Malgré la domination anglaise post-1810, le français reste la base de la toponymie mauricienne. Plus de 80 % des noms de villes s’inspirent de l’histoire de France, ou certains endroits de France. Ce mélange unique révèle une identité hybride, où la langue française sert encore de socle. Bref, ce patrimoine linguistique prédomine, même si les Britanniques ont tenté de l’effacer.
Les noms liés aux personnages historiques
Mahébourg rend hommage à Mahé de Labourdonnais, gouverneur français de l’île au XVIIIe siècle. Si son rôle dans le développement de Port-Louis est avéré, les sources restent floues sur sa date exacte de gouvernance. Ce nom persiste comme symbole d’un passé colonial encore vivace dans les esprits des habitants.
Pereybère tire son nom de Charles Pereybère, propriétaire terrien du XIXe siècle. En 1845, ce colon du sud-ouest détenait 703 arpents de terre, dont une partie du littoral. Son héritage marque encore la carte de l’île, même si les raisons exactes de ce choix restent floues. Ce cas n’est pas isolé à Maurice.
Voici quelques personnalités marquantes qui ont inflencé le nom des villes, villages et endroits à Maurice :
- Adrien d’Epinay, figure anti-abolitionniste est à l’origine du village « Quatre-Cocos« . Ce nom viendrait en fait de quatre habitants du village, jugés sages ou très intelligents à l’époque de la fondation du village. « Coco » signifie intelligent en créole mauricien et Adrien d’Epinay faisait parti de ces 4 personnes.
- Pieter Both, amiral hollandais immortalisé par sa montagne. La légende disait que les anglais partiraient de l’île le jour où le rocher au sommet de la montagne tomberait. Le rocher n’est jamais tombé, mais les anglais, eux, sont partis depuis un moment… sauf pour les touristes anglais.
- Le district de Plaines Wilhems tire son nom de Wilhelm Leicknig, un colon d’origine prussienne qui s’installa à l’île Maurice en 1721. Leicknig était l’ancêtre de la plus vieille famille européenne établie sur l’île et donna son prénom aux hauts plateaux de Maurice. Pendant la période coloniale française, « Plaines de Wilhems » devint d’abord le nom d’un quartier de milices, puis plus tard celui d’un district.
- Wybrand van Warwyck est le navigateur et amiral hollandais, qui a découvert le Dodo et nommé l’île Maurice. Le 20 septembre, la flotte du navigateur est entré dans une baie abritée qu’ils nommèrent « Port de Warwick », qui s’appelle actuellement « Grand Port« .
Les fonctions militaires dans la toponymie
Arsenal doit son nom à sa fonction militaire sous les Français puis les Britanniques. Établi au XVIIIe siècle, ce lieu servait d’entrepôt de stockage et de réparation pour la marine. Ce nom, inspiré du vocabulaire militaire, reste aujourd’hui un rappel de cette vocation stratégique. Bref, une histoire inscrite dans la pierre et les cartes de l’île.
Quartier Militaire évoque son passé de camp d’entraînement colonial. Sous les Français, ce site accueillait des troupes régulières, avant de devenir un village en 1820. La transition du militaire vers le civil reste un cas typique de toponymie figée. Tout est dit : le nom a survécu aux changements d’occupants.
Champs de Mars à Port-Louis rappelle les manœuvres militaires du XVIIIe siècle. Ce terrain, dédié aux exercices de l’armée, porte un nom inspiré de la mythologie romaine. L’appellation, liée à Mars dieu de la guerre, perdure malgré son usage civil aujourd’hui (il est devenu un hippodrome depuis 1812). C’est comme ça : l’histoire s’imprime dans l’espace.
L’arrivée des Britanniques en 1810 a préservé bien des noms militaires. Des lieux comme Port-Louis ou Quartier Militaire ont gardé leur appellation française, malgré l’anglicisation générale. Pourquoi ? Par pragmatisme ou reconnaissance symbolique. Ce choix reflète une continuité plus qu’une rupture. À moins de tout chambouler, les héritages se mêlent.
Les caractéristiques géographiques comme origine
Roche Noire doit son nom à la couleur sombre de ses formations rocheuses visibles même sur les cartes de l’île Maurice. Ce toponyme reflète une réalité visuelle sans équivalent en créole mauricien. Derrière ce nom, pas de subtilité, juste la nature qui impose sa marque : les premiers colons décrivaient ce qu’ils voyaient.
Rivière Noire cache une explication presque trop logique : son eau sombre chargé de tanins s’oppose à la transparence des autres cours d’eau. Les Britanniques ont conservé ce nom en l’anglicisant en Black River. Aucun document ne précise si ce choix date de l’époque française ou anglaise. Ce contraste naturel reste un exemple parlant de toponymie spontanée.
Cap Malheureux porte une charge dramatique sans que l’histoire ne l’explique clairement. Certains pensent qu’un naufrage tragique aurait marqué les esprits, d’autres évoquent un mythe marin. Aucun autre lieu nommé ainsi n’existe en dehors de Maurice. Cette énigme ajoute un mystère supplémentaire à cette pointe du nord chargée de légendes.
Pointe aux Piments, même si aucune donnée précise quand les piments y ont été cultivés, cet endroit pourrait évoquer un passé agricole. Ce nom pourrait s’inscrire dans une tradition de dénomination liée aux cultures locales. Le paysage reste le meilleur conteur de ces histoires géographiques finalement
Le nom du village d’Albion fait probablement référence aux falaises blanches caractéristiques de la côte mauricienne qui rappelaient aux colons britanniques les célèbres falaises blanches de Douvres en Angleterre. Le village et son fameux phare portent donc ce nom en hommage à la mère patrie britannique.
Les villes françaises transposées à Maurice
Souillac rend hommage à une ville du Lot-et-Garonne et à son vicomte éponyme. Si l’auteur du nom reste flou, cette dénomination rappelle le lien entre les colons et leur terre natale. À l’époque, de nombreux noms de lieux s’inspiraient directement des régions françaises. C’est comme ça : la carte de Maurice est aussi façoné par la nostalgie des origines des colons.
Cluny évoque l’abbaye et la ville de Saône-et-Loire. Bien que l’origine religieuse ne soit pas confirmée, ce choix révèle une admiration pour le patrimoine culturel français. Qui a choisi ce nom ? Les sources restent muettes. Ce mystère n’empêche pas ce toponyme de s’inscrire dans une tradition coloniale. Alors, à moins de creuser les archives, le doute persiste.
Chamouny (Chamonix) et Mont Blanc trahissent une envie de rapprocher les Alpes et l’océan Indien. Aucune ressemblance géographique, mais une volonté symbolique : rappeler l’Europe depuis les tropiques. Ces noms, attribués sans date précise, traduisent une idéologie du souvenir.
D’autres localités mauriciennes portent des noms de villes ou régions françaises :
- Luchon, du village pyrénéen de Bagnères-de-Luchon
- Saint-Cloud, inspiré de la commune francilienne
- Trianon, référence au château de Trianon de Versailles
- Bar-le-Duc, du chef-lieu de la Meuse en France
- Forbach, du nom de la ville de Moselle en Lorraine
- Verdun, référence à la ville de la Meuse, qui fut plus tard le théâtre de la célèbre bataille de 1916
Ces transpositions montrent la nostalgie des colons pour leur pays d’origine. Un phénomène courant dans les colonies, mêlant mémoire et idéalisation du passé.
Les noms inspirés de pays étrangers
La Russie, Yemen, Albion : derrière ces noms insolites à l’île Maurice, un mélange d’influences internationales. Si les liens historiques restent flous, ces dénominations marquent une ouverture vers le monde. À moins d’être un expert, on imagine mal ces noms inspirés par des guerres ou des échanges commerciaux oubliés.
Helvetia, du nom de la Suisse antique, n’atteste pas d’une forte présence suisse à Maurice. Ce choix semble symboliser des valeurs comme la propreté ou l’organisation, plutôt qu’un héritage concret. Pourtant, ce nom perdure dans les quartiers en vogue comme les Allées d’Helvétia à Moka.
Surinam fait référence à la colonie hollandaise d’Amérique du Sud, sans que le lien avec Maurice soit établi. Ce nom, peut-être attribué sous la France, rappelle les réseaux coloniaux entre possessions européennes. En l’absence de sources claires, l’origine reste une hypothèse à explorer.
La Mecque et Médine, lieux saints de l’islam, s’inscrivent dans une toponymie multiculturelle. Bien que la communauté musulmane mauricienne soit active, ces noms proviennent probablement d’une influence plus indirecte. Ils datent de la période britannique, époque de redéfinition des cartes locales.
Tous ces noms éclairent les connexions mondiales, au-delà des frontières européennes.
Les batailles historiques commémorées
Solferino et Magenta rappellent les victoires napoléoniennes du Second Empire. Bien que les dates exactes des batailles ne soient pas confirmées ici, ces noms s’inscrivent dans une logique de glorification militaire. À Maurice, ces lieux perpétuent la mémoire d’un passé guerrier, même si les liens précis restent flous. C’est comme ça : la toponymie s’écrit par symbole, pas toujours par certitude.
Sébastopol évoque le siège de la place forte pendant la guerre de Crimée (1853-1856). Cette bataille, marquée par l’alliance franco-britannique contre la Russie, a laissé son empreinte sur la carte mauricienne. Pourquoi ce nom a été choisi ? Probablement pour célébrer une victoire commune, à moins que ce ne soit un simple hommage symbolique.
Balaclava et Malakoff prolongent cette commémoration de la guerre de Crimée. Si les raisons de leur présence à Maurice restent imprécises, elles reflètent une volonté de rattacher l’île à l’histoire européenne. La France et l’Angleterre, alliées contre la Russie, ont marqué cette période. C’est un héritage colonial qui perdure, malgré l’éloignement géographique.
Alma rappelle la première victoire franco-britannique lors de la même guerre. Ce nom, comme d’autres, s’inscrit dans une logique de mémoire collective. À Maurice, ces toponymes militaires racontent une histoire lointaine mais intégrée à la carte locale.
Ces noms traduisent une volonté de relier l’archipel aux récits héroïques de l’Europe coloniale. Une manière de graver l’histoire dans le paysage.
De Port-Louis à Rivière Noire, chaque nom raconte Maurice. L’île porte sur sa carte trois siècles d’histoire : gouverneurs français, amiraux hollandais, batailles européennes et paysages qui parlent d’eux-mêmes. Ces noms sont la mémoire vivante de l’île, gravée pour toujours dans sa géographie.